Quels sont les traitements du mélanome ?

Le traitement d’un cancer est de plus en plus personnalisé : pour chaque patient, il dépendra des différents éléments qui auront été recueillis lors du diagnostic et du bilan pré-thérapeutique de la maladie : caractéristiques des cellules cancéreuses, leur grade, la localisation et le stade de la maladie.

Lorsqu’un mélanome aura été diagnostiqué, le médecin traitant ou le dermatologue qui aura souvent fait le diagnostic adressera son patient à un service spécialisé dans le traitement de ces cancers. Le patient sera pris en charge par une équipe de spécialistes pour proposer les options de traitements les plus adéquates.

En pratique, le cas de chaque patient sera discuté au cours d’une Réunion de Concertation Pluridisciplinaire ou RCP. Cette réunion réunit au minimum un dermatologue, un oncologue, un radiothérapeute et un chirurgien. Un anatomopathologiste et/ou un spécialiste en biologie moléculaire pourra ou pourront également participer à cette réunion.

Lorsqu’un traitement aura été choisi en RCP, le médecin qui prendra initialement en charge le patient expliquera en détail le traitement ou plus exactement le parcours thérapeutique envisagé lors d’une consultation particulière dénommée consultation d’annonce.

Parcours thérapeutique est effectivement un terme approprié car il va être proposé au patient un chemin parfois long jalonné de plusieurs étapes.

Au cours de ces étapes, il sera utilisé un ou plusieurs des cinq traitements disponibles contre les cancers : deux de ces traitements sont locorégionaux, chirurgie ou radiothérapie.

Trois autres traitements sont généraux (traitements dits systémiques), chimiothérapie, thérapie ciblée ou immunothérapie. Les chimiothérapies et les thérapies ciblées sont administrées par voie orale ou par voie intraveineuse afin d’atteindre les cellules cancéreuses qui pourraient s’être disséminées.

Les immunothérapies sont administrées par voie intraveineuse afin de stimuler les cellules du système immunitaire pour que celles-ci puissent éliminer les cellules cancéreuses. Certains traitements, que ce soit une radiothérapie, une chimiothérapie, une thérapie ciblée ou une immunothérapie peuvent être effectués seuls ou en combinaison avant la chirurgie. Ils sont appelés traitements néoadjuvants. S’ils sont prescrits après la chirurgie, ils sont dénommés traitements adjuvants.

Le traitement proposé va dépendre principalement du stade de la maladie.

Le traitement des mélanomes de stade précoce

La chirurgie

Pour les mélanomes de stade précoce (stade 0, 1 ou 2), le traitement est chirurgical : une exérèse large entourée d’une marge de tissus sain sera effectuée par le chirurgien. La largeur de cette marge de tissu sain dépend de la profondeur du mélanome. Pour un mélanome d’épaisseur inférieure à 0,75 mm, la marge sera par exemple de 1 cm. Si la profondeur est plus importante, la marge sera au moins de 2 cm. De plus, si l’épaisseur est supérieure à 1 mm ou si ta tumeur a une épaisseur de 0,75 à 1 mm d’épaisseur avec une ulcération, l’exérèse d’un ganglion lymphatique particulier, le ganglion sentinelle, sera proposée.

💡 LE SAVIEZ-VOUS ?

Le ganglion sentinelle est le premier ganglion qui se trouve à proximité d’un mélanome. C’est donc le premier ganglion qui est susceptible d’être envahi par les cellules cancéreuses en cas de dissémination de celles-ci.

Pour que le chirurgien puisse identifier ce ganglion, un colorant ou une substance faiblement radioactive est injectée dans la zone de la tumeur. Au cours de l’intervention chirurgicale, le chirurgien pourra repérer le ganglion sentinelle par sa coloration bleue ou par sa radioactivité détectée avec un compteur Geiger.

Ce ganglion sentinelle sera alors retiré par le chirurgien et examiné au microscope par un médecin anatomopathologiste pour déterminer s’il est envahi par des cellules tumorales.

Après exérèse chirurgicale du mélanome, une seconde intervention chirurgicale est possible en fonction des résultats de l’examen au microscope de la pièce opératoire. Si les marges qui étaient supposées être en tissu sain au moment de la première intervention chirurgicale sont en fait envahies par des cellules tumorales, cette seconde intervention sera nécessaire pour élargir l’exérèse du mélanome. Si une grande surface de peau a été retirée, une chirurgie reconstructive peut être effectuée. Le chirurgien prélève un bout de peau appelé greffon ou lambeau cutané sur une autre partie du corps pour reconstruire la région où se trouvait le mélanome.

L'immunothérapie

Pour les mélanomes de stade précoce, un traitement adjuvant par immunothérapie pourra être proposé. Ce sera le cas lorsque le ganglion sentinelle est envahi par des cellules cancéreuses ou chez les personnes qui présentent un risque élevé de réapparition (récidive) du cancer. Les immunothérapies ont pour objectif de stimuler le système immunitaire pour que celui-ci élimine les cellules cancéreuses. Pour le traitement adjuvant des mélanomes de stade précoce par immunothérapie, on peut utiliser une molécule produite naturellement par l’organisme et qui stimule le système immunitaire, l’interféron alpha-2b. Cette molécule est administrée à forte dose par injection plusieurs jours par semaine pendant un an. Une autre immunothérapie peut aussi être utilisée. Celle-ci est un inhibiteur de point de contrôle qui bloque le point de contrôle PD-1.

POUR MEMOIRE

Le traitement de cancers par immunothérapie avec des inhibiteurs de point de contrôle est une véritable révolution dans le traitement de certains cancers dont les mélanomes. Ces traitements sont basés sur les trois découvertes suivantes :

  • La première est la mise en évidence de molécules particulières, les points de contrôle . Ceux-ci peuvent accélérer ou ralentir le fonctionnement du système immunitaire.
  • La seconde découverte est que les cellules cancéreuses peuvent utiliser les points de contrôle qui ralentissent le fonctionnement du système immunitaire pour échapper à celui-ci. Elles utilisent notamment un point de contrôle dénommé CTLA-4 pour ralentir le système. Ce point de contrôle est situé sur des globules blancs particuliers, les lymphocytes T auxiliaires , qui sont indispensables pour stimuler une réponse immunitaire. CTLA-4 ralentit l’action de ces lymphocytes. Un autre point de contrôle est PD-L1 . Celui-ci est présent à la surface des cellules cancéreuses. Cette molécule se lie à une autre molécule dénommée PD-1 qui est présente à la surface d’autres globules blancs, les lymphocytes T cytotoxiques , ces cellules du système immunitaire chargées d’éliminer les cellules cancéreuses. La liaison de PD-L1 à PD-1 empêche les lymphocytes T cytotoxiques de jouer leur rôle et d’éliminer les cellules tumorales.
  • La troisième découverte est que les médicaments qui bloquent les points de contrôle CTLA-4, PD-1 ou PD-L1 permettent de stimuler à nouveau le système immunitaire pour qu’il élimine les cellules tumorales. Ces médicaments sont des immunothérapies puisqu’ils n’éliminent pas directement les cellules cancéreuses comme le font les chimiothérapies mais stimulent le système immunitaire pour qu’il élimine les cellules cancéreuses. Ces immunothérapies seront souvent plus efficaces si les cellules cancéreuses ont de nombreuses molécules PD-L1 à leur surface. Ces médicaments utilisés comme immunothérapie sont des anticorps monoclonaux produits artificiellement et administrés par voie intraveineuse . Comme les anticorps naturels qui reconnaissent une cible précise, les anticorps monoclonaux utilisés pour l’immunothérapie des cancers sont fabriqués pour reconnaître un des points de contrôle, CTLA-4, PD-1 ou PDL-1.

Traitement des mélanomes de stade 3

La chirurgie

Pour un mélanome locorégional, ce qui inclut tous les mélanomes de stade 3, le cancer s’est propagé aux ganglions lymphatiques voisins. Le traitement de ces mélanomes est d’abord l’exérèse chirurgicale avec une exérèse des ganglions lymphatiques (curage ganglionnaire complet).

Les thérapies ciblées

Un traitement adjuvant sera proposé à tous les patients en bon état général. Ce traitement dépendra des mutations qui auront été observées au niveau de l’ADN des cellules tumorales. Plus de la moitié des mélanomes ont notamment une mutation particulière, la mutation V600E, au niveau du gène BRAF.

💡 LE SAVIEZ-VOUS ?

A l’intérieur des cellules, il existe des protéines qui fonctionnent en cascade les unes derrière les autres pour agir sur le comportement de la cellule. Ces protéines constituent alors une voie intracellulaire. C’est par exemple le cas des protéines RAS, RAF, MEK et ERK . Celles-ci constituent une voie intracellulaire qui a un rôle important dans la prolifération cellulaire et dans la survie cellulaire. Le gène BRAF est responsable de la production d’une de ces protéines, la protéine BRAF . Une mutation du gène BRAF, la mutation V600E, est responsable de la production d’une protéine mutée. En bloquant la protéine mutée, il est possible de bloquer la prolifération cellulaire.

Pour les patients avec la mutation V600E du gène BRAF, il existe des médicaments qui bloquent spécifiquement la protéine BRAF mutée afin de bloquer la multiplication des cellules tumorales. Ces médicaments anti BRAF seront utilisés comme traitements adjuvants en association avec un autre médicament qui bloque la protéine MEK également impliquée dans la prolifération des cellules tumorales. Ces médicaments anti BRAF ou anti MEK sont des thérapies ciblées.

POUR MEMOIRE

Comme l’indique leur nom, les thérapies ciblées sont dirigées contre des cibles qui sont directement impliquées dans la transformation des cellules normales en cellules cancéreuses, dans le développement des tumeurs malignes ou dans la multiplication cellulaire des cellules cancéreuses.

Ces cibles peuvent être situées à la surface ou à l’intérieur des cellules cancéreuses. A la surface, ce peuvent être des récepteurs particuliers comme le Récepteur pour le Facteur de Croissance de l’Épiderme (EGFR). En interne, ce peuvent être des molécules comme RAS, RAF, MEK ou ERK qui sont situés sur des voies intracellulaires importantes pour la multiplication des cellules cancéreuses. En bloquant ces cibles avec une thérapie ciblée, on bloque directement la croissance tumorale.

Les thérapies ciblées sont soit des anticorps monoclonaux , ces grosses molécules qui visent des cibles extracellulaires et sont administrés par voie intraveineuse soit des petites molécules qui visent des cibles intracellulaires et qui sont prises par voie orale . Il existe actuellement une cinquantaine de thérapies ciblées différentes.

L'immunothérapie

Chez les patients avec la mutation V600E du gène BRAF, il peut aussi être proposé comme traitement adjuvant une immunothérapie dirigée contre le point de contrôle CTLA-4 ou contre le point de contrôle PD-1. Chez les patients sans mutation du gène BRAF, il sera proposé comme traitement adjuvant une immunothérapie dirigée contre le point de contrôle PD-1.

Le traitement des mélanomes métastatiques

Pour un mélanome métastatique (stade 4), la chirurgie a une place limitée. Elle peut cependant être proposée dans certaines situations telles qu’une métastase unique. L’exérèse de quelques métastases peut aussi être effectuée après un traitement par immunothérapie ou thérapie ciblée. Le premier traitement proposé dit “traitement de première ligne“ dépendra de la présence ou non d’une mutation V600E du gène BRAF au niveau des cellules tumorales.

Traitement en cas de mutation du gène BRAF

Chez les patients avec une mutation BRAF, une association d’un médicament anti BRAF avec un médicament anti MEK est le traitement habituel. Une immunothérapie dirigée contre le point de contrôle PD-1 est une autre option. En cas d’échec de ce premier traitement, un second traitement dit “traitement de seconde ligne“, sera proposé. Une immunothérapie dirigée contre le point de contrôle PD-1est le traitement de seconde ligne habituel.

Si le traitement de première ligne était déjà une immunothérapie dirigée contre le point de contrôle PD-1, une association d’un médicament anti BRAF avec un médicament anti MEK sera alors proposée en seconde ligne. En cas d’échec de ce traitement de seconde ligne, un nouveau traitement dit “de troisième ligne“ sera proposé. Ce sera une immunothérapie dirigée contre le point de contrôle CTLA-4 ou une chimiothérapie avec un antinéoplasique.

Traitement en cas d’absence de mutation du gène BRAF

Chez les patients dont les cellules tumorales n’ont pas de mutation BRAF, le traitement de première ligne habituel est une immunothérapie dirigée contre le point de contrôle PD-1. Si l’état général du patient est bon, un traitement avec l’association d’une immunothérapie dirigée contre le point de contrôle PD-1 et d’une immunothérapie dirigée contre le point de contrôle CTLA-4 sera proposé. En seconde ligne, une immunothérapie dirigée contre le point de contrôle CTLA-4 est recommandée. En troisième ligne, une chimiothérapie avec un antinéoplasique pourra être proposée.

Finalement, le mélanome est un des cancers qui a le plus bénéficié des avancées de la recherche scientifique et de la recherche clinique au cours des quinze dernières années. La recherche scientifique a permis d’identifier les points de contrôle du système immunitaire et les divers mécanismes utilisés par les cellules cancéreuses pour proliférer.

La recherche clinique a permis, grâce aux essais cliniques, de développer les immunothérapies contre les points de contrôle et les thérapies ciblées dirigées contre les molécules impliquées dans la multiplication des cellules cancéreuses. Ces essais cliniques conduisent à des évolutions permanentes dans la prise en charge des patients avec un mélanome qu’ils soient à un stade peu avancé ou à un stade métastatique. Aujourd’hui, les patients avec un mélanome peuvent bénéficier d’une immunothérapie ou d’une thérapie ciblée lorsque l’un ou l’autre de ces traitements s’avère nécessaire. Parmi les avancées très récentes issues des essais cliniques, il est désormais proposé à certains patients un traitement par immunothérapie avant l’intervention chirurgicale. Il ne fait aucun doute que les essais cliniques actuellement en cours vont conduire à de nouveaux progrès.

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Article mis à jour le 23 sept. 2024

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